Propos recueillis par Aurélie Barbaux, Pascal Gateaud et Charles Foucault.
Morceaux choisis :
[…] Le droit de la concurrence européen dans le domaine du numérique en est un autre. Tel qu’il est appliqué actuellement par la Commission, il favorise les grandes plates-formes américaines au détriment des acteurs français et européens. Il faut s’interroger soit sur une révision des règles, soit sur une application aveugle signifiant “vive la concurrence et tant pis si nos opérateurs télécoms sont pénalisés car ils n’ont pas une approche verticale des services”. […]
[…] L’Europe n’a pas non plus de “stratégie industrielle numérique”, car on y considère que le numérique n’est pas une industrie. Or, pour moi, un data center est une infrastructure. Quand je parle du très haut débit, je parle de chantier. Ce n’est pas un hasard. Il faut que l’on amène tous les acteurs du numérique, les opérateurs télécoms en première ligne, dans une stratégie de concentration au niveau européen qui nous permette d’être compétitifs. On ne peut pas se permettre de vivre une seconde décennie meurtrière dans les télécoms, comme celle que l’on a vécue. Pour cela il faut penser européen et se projeter dans les services numériques de demain. […]
[…] On oublie aussi que l’on a des atouts : j’insiste souvent sur le niveau de formation. Il faut que l’on comprenne que le numérique nécessite une approche transversale des problématiques. Or la formation en France est traditionnellement axée sur la spécialisation technologique par silos industriels. Pour être innovant dans le numérique, il faut savoir très en amont travailler avec les techniciens, les ingénieurs, les designers, les créatifs, ceux qui font du marketing… Cette approche, inhabituelle en France, se développe dans les écoles de design ou d’informatique. Mais il faut continuer à la pousser. […]
[…] Par exemple, dans les objets connectés, on a tout intérêt à favoriser un foisonnement d’initiatives pour le moment plutôt que de choisir un leader qui va se spécialiser et ne fera que ça. Je crois vraiment beaucoup à la notion d’écosystème. […]
[…] Cette stratégie de fabrication de grands leaders a été essayée, notamment dans le cloud. Mais je pense que l’innovation ne se décrète pas. Et encore moins depuis un bureau à Bercy. En revanche, quand une entreprise émerge en France, il faut qu’elle trouve toutes les ressources pour se développer et conquérir des marchés qui sont, dans le cas du numérique, souvent mondiaux. C’est l’enjeu aujourd’hui. […]